FMJ MtlCOMMÉMORATION DE TOUS LES FIDÈLES DÉFUNTS
Frère Antoine-Emmanuel
Is 25, 6-9 ; Ps 26 ; 1 Co 15, 51-57 ; Jn 6, 51-58
2 novembre 2014
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

Charité pour les âmes du Purgatoire

Connaissez-vous l’histoire de Tobie
en déportation à Ninive ?
Tobit donnait du pain aux affamés
et des vêtements aux plus pauvres.
S’il voyait le cadavre d’un déporté
jeté derrière les remparts, il l’enterrait.

Quand le roi fit exécuter un grand nombre de déportés,
Tobie alla dérober les cadavres pour les enterrer.
Cela lui a valu d’être recherché et de devoir s’exiler.
Quand il put retourner à Ninive, lors d’une fête familiale,
il apprit qu’un déporté avait été assassiné
et jeté sur la grande place.
Alors, il quitta la table familiale
et alla enterrer le cadavre,
ce qui lui valu la moquerie de son entourage.

Quelle grande charité !

Notre cœur se tourne ici
vers des dizaines de milliers de morts,
des guerres, des déportations, des persécutions, des épidémies
en Syrie, en Irak, sur le continent Africain.

Combien de corps gisent à terre à chaque jour ?

Et pour nous qui sommes dans un pays
où ne règne pas la guerre ?
Nous aussi, nous sommes appelés
à exercer la charité envers les défunts.

Je me souviens avoir été dans un salon funéraire
pour honorer le corps d’une femme pauvre et sans famille.
Son corps était dans un sac de plastique
et le cercueil une boîte de carton.
La charité envers les morts est aussi
une urgence de notre temps à Montréal,
pour trois raisons :
premièrement parce que notre société toute puissante
par la science et la technologie,
se heurte à la mort qu’elle ne sait pas vaincre
et donc elle cache la mort.
Deuxièmement, parce que le rejet des religions
laisse la mort entre les mains de la seule affectivité.
Et troisièmement, parce que la mort
est devenue une affaire où règne l’argent.

Quelle charité pouvons-nous exercer ?

Celle de prendre soin de nos défunts
– des défunts les plus pauvres –
des défunts les plus oubliés.
Et avec l’attention, le respect,
le soin du corps des défunts,
la première charité est celle de la prière.

J’ai reçu cette semaine un coup de téléphone
d’une jeune femme du Plateau
qui ne fréquente pas le Sanctuaire.
Elle m’a dit qu’un résident du Plateau, Herman,
venait de mourir et que personne n’évoquerait sa mémoire
ou n’organiserait de célébration pour lui.
« Qu’est-ce que vous faites, vous, parce que lui,
je crois bien qu’il aurait aimé une messe ».
Et c’est ce que nous ferons mercredi.

Magnifique charité de cette jeune femme.
Elle a pris soin de cet homme.
Elle a voulu que soit respecté sa mémoire et sa foi.
C’est cette charité-là
que l’Église vient réveiller en nous aujourd’hui.

Est-ce que vous priez les défunts ?
Est-ce que vous priez pour les défunts les plus oubliés ?

Cette prière a des racines bibliques très anciennes.
Dans les années 160 avant le Christ,
après une bataille contre les armées d’Idumée,
les soldats juifs prirent soin des corps des leurs
qui étaient morts au combat.
Ils découvrirent alors des amulettes
dans les manteaux des morts.
Ceux-ci avaient donc péché par idolâtrie
se confiant à des divinités étrangères.

« Tous donc, bénissant le Seigneur,
juge équitable qui rend manifestes les choses cachées,
se mirent en prière en demandant
que la faute commise
fut entièrement effacée » (2 M 12,41-42).

« Ayant fait une collecte par tête,
Judas envoya jusqu’à 2.000 drachmes (40,000 $) à Jérusalem
afin qu’on offrit un sacrifice pour le péché (v. 43).

Et le rédacteur du 2e livre des Macchabés commente :
Judas agit fort bien et noblement
dans la pensée de la résurrection.
Si, en effet, il n’avait pas espéré
que les soldats tombés ressusciteraient,
il eut été superflu et sot de prier pour les morts (v. 43-44).

Ils ont pris soin de leurs défunts, priant pour eux
et s’organisant pour faire monter leur prière
au temple même de Jérusalem.

Quelle magnifique espérance !
Mais ce n’était que l’aube de l’espérance.
Car nous autres chrétiens,
nous vivons d’une espérance
tellement plus claire et plus lumineuse.
La victoire sur mort est déjà acquise.
« Mort où es ta victoire ? » clame l’apôtre Paul (1 Co 15,55)
« Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire
par notre Seigneur Jésus-Christ » (v. 57).

La mort existe toujours…
mais elle a été retournée en Pâques,
en passage vers la vie.
La croix de Jésus et sa résurrection
sont la mise à mort du pouvoir de la mort.

« L’obéissance de Jésus
a transformé la malédiction de la mort
en bénédiction » (CEC n° 1009).

Aussi, notre prière pour les défunts
est-elle pleine d’espérance.
Mais ce n’est plus au Temple de Jérusalem
que nous faisons monter notre prière pour les défunts.

Où donc portons-nous notre prière ?
Nous la portons à Jésus dans son Mystère pascal.
Nous avons cette responsabilité formidable,
celle de porter le sort de nos défunts
dans le Mystère pascal de Jésus ;
de remettre à Jésus mort et ressuscité,
l’âme de ceux qui nous ont quittés.

Et où se trouve le Mystère pascal de Jésus ?
Où pourrons-nous déposer concrètement le sort des âmes ?

Le Mystère pascal de Jésus
est entièrement présent et actif
dans son sacrement qu’est l’Eucharistie.
Jésus Lui-même a tellement insisté
pour nous faire saisir le lien entre son Eucharistie
et notre salut éternel :
« Qui consomme ma chair
et boit mon sang a la Vie éternelle.
Et Moi Je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,54).

Les âmes qui là-haut ont besoin de purification,
ne peuvent plus coopérer activement à leur sanctification.
Leur coopération est désormais passive,
passion, souffrance d’amour.
Mais dans la solidarité mystique qui nous unit à elles,
nous pouvons puissamment les aider.
C’est notre responsabilité.

J’admire les fidèles qui demandent des messes
pour les âmes du Purgatoire.
C’est une belle charité,
et c’est grandement efficace.

Le 21 juin dernier, j’ai célébré avec vous
la messe pour mon papa,
à peine trois heures après son décès…
Et j’ai prié, prié, pour que son âme
entre dans la pleine Lumière de Dieu.
Prié et pleuré.
Prié et lutté dans la prière
parce que la mort comprend un très grand combat spirituel.
Et lors de la troisième messe célébrée à son intention
– c’était en famille dans la plus grande simplicité –
j’ai perçu dans une très profonde joie
que son âme était entrée dans la pleine Lumière.
C’est le fruit de la prière de beaucoup de proches
et surtout de l’Eucharistie.

Quelle responsabilité !

Le Seigneur a voulu que le Salut
nous soit donné à travers une solidarité :
le Salut n’est pas une affaire individuelle.
Le Seigneur tisse notre Ciel
en nous tissant les uns avec les autres…

Aussi en ce 2 novembre,
nous prions avec toute l’Église pour les défunts,
pour les défunts les plus oubliés.

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