FMJ MtlJeudi, Deuxième Semaine de l’Avent – C
Frère Thomas
Is 41, 13-20 ; Ps 144 ; Mt 11, 11-15
13 décembre 2012
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Bonne violence, vraie douceur

Depuis dimanche dernier jusqu’à dimanche prochain,
tout au long de cette 2e Semaine du temps de l’Avent,
apparaît dans la liturgie la figure de Jean Baptiste.
C’est une figure clef du temps de l’Avent,
car il nous prépare à accueillir le Messie.
C’est la raison pour laquelle, jusqu’au 16 décembre,
nous prions avec l’icône de Saint Jean Baptiste.

Dans l’Évangile de ce jour,
Jésus dit quelque chose d’étonnant :
« Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu’à présent,
le Royaume des cieux subit la violence,
et des violents cherchent à s’en emparer » (Mt 11,12).
De quelle violence parle ici Jésus ?
Et comment pouvons-nous recevoir cela
de la bouche de Jésus, qui par ailleurs a dit :
« Heureux les doux,
ils obtiendront la terre en héritage » ? (Mt 5,5)

Il y a de fait une mauvaise violence et une fausse douceur…
comme il y a une bonne violence et une vraie douceur.
C’est un fait que ni Jésus ni Jean Baptiste
n’ont jamais usé de violence physique envers les personnes.
Même lorsqu’il chasse les marchands du Temple,
Jésus culbute les tables, joue du fouet pour faire sortir le bétail…
mais ne s’en prend pas aux personnes.
Jésus et Jean Baptiste ont souvent élevé la voix,
mais jamais pour dénigrer les personnes.
Lorsqu’elle s’en prend aux personnes, la violence,
qu’elle soit physique verbale ou psychologique, est terrible :
elle aboutit logiquement au meurtre.
« On vous a dit – dit Jésus – tu ne tueras point,
et si quelqu’un tue, il en répondra au tribunal.
Eh bien ! moi je vous dis :
Quiconque se fâche contre son frère
en répondra au tribunal. » (Mt 5,21-22)

Jésus dénonce ainsi la violence à sa racine,
dans tout ce qu’elle peut avoir de meurtrier.
C’est un fait que les guerres, les conflits,
commencent toujours par de mauvaises pensées,
de mauvaises paroles.
Cette mauvaise violence a ceci qu’elle est contagieuse.
On dénonce souvent les violences spectaculaires
de ceux qui commettent des actes terroristes,
qu’ils soient islamistes ou non.
Mais on oublie souvent les violences plus cachées,
mais bien réelles dans nos sociétés :
avortements, violences conjugales, abus sexuels et doutes sortes,
calomnies, médisances, mépris, harcèlements divers et variés
dans le milieu professionnel, associatif ou familial.
Lorsqu’on est victime ou témoin de violences,
grande est la tentation de devenir soi-même agresseur.

De même qu’il y a une mauvaise violence,
il y a aussi une fausse douceur.
Il est une fausse douceur consistant à céder aux tentations
qui se présentent à nous afin de ne pas opposer de résistance
à ceux qui nous les suggèrent.
Si Jean Baptiste avait cédé à cette fausse douceur,
il n’aurait pas dénoncé publiquement
l’adultère du roi Hérode avec Hérodiade.
Si Sainte Lucie avait été douce selon le monde,
elle aurait renié le Christ et renoncé à sa virginité
pour sauver sa vie.

Nous pouvons noter aussi que cette fausse douceur
conduit tôt ou tard à la mauvaise violence,
car elle laisse entrer le mal en nous.

C’est souvent une idée reçue
qu’un chrétien devrait être gentil avec tout le monde,
qu’il devrait pouvoir dire oui
à toutes les demandes qui lui sont faites.

Eh bien un chrétien doit aussi savoir dire non
quand il le faut, de façon ferme parfois :
la vie de Jésus, les vies des saints le démontrent abondamment.
Il y a une bonne violence, celle qui consiste à lutter
non contre les personnes mais contre le mal,
autour de nous et surtout en nous.
À lutter pour le bien, pour Dieu.
Pour entrer dans le Royaume des Cieux – nous dit Jésus –
il faut prendre notre croix chaque jour avec Lui,
il faut passer par la porte étroite :
ce n’est pas un boulevard facile à parcourir.
Jésus Lui-même en a fait l’expérience à Gethsémani.
Souvent il se trouve des personnes pour accuser les chrétiens
qui prennent leur foi au sérieux d’être orgueilleux,
parce qu’ils prétendraient être plus parfaits que les autres,
être plus saints que les autres.

Ceux qui veulent vivre leur foi chrétienne sérieusement
trouvent toujours des personnes pour les accuser d’être rigides,
conservateurs, rétrogrades, fermés au progrès
ou autres qualificatifs culpabilisants.
À cela le prophète Isaïe nous répond aujourd’hui :
« Ne crains pas, je viens à ton secours ».
« J’ai fait de toi une herse à broyer la paille,
toute neuve, hérissée de pointes :
tu vas briser les montagnes ».
– voilà la bonne violence –
« Tu mettras ta joie dans le Seigneur,
ta fierté dans le Dieu d’Israël ». (cf. Is 41,13-16)

Frères et sœurs, nous avons le droit d’être fiers
de vouloir vivre dans la dignité
des enfants de Dieu que nous sommes.
C’est là que peut alors venir la vraie douceur,
celle dont Jésus affirme :
« Heureux les doux, car ils obtiendront la terre en héritage ».
La douceur vis-à-vis des autres, faite de respect
mais sans se laisser manipuler par eux.

C’est ainsi que des chrétiens peuvent en vérité
aimer ceux qui les haïssent – comme le demande Jésus –
sans risquer d’être hypocrites :
ils éprouvent de la compassion
à l’égard de ceux qui n’ont pas encore
découvert comme eux l’amour du Christ.
Témoins la douceur de Jésus sur la croix,
la douceur et l’amour des martyrs durant leurs supplices,
la douceur aussi vis-à-vis de soi :
car si un chrétien doit savoir se faire violence
pour aimer comme Jésus a aimé…
un chrétien doit aussi s’aimer lui-même.

Que le Seigneur, par l’intercession de Saint Jean Baptiste,
de Sainte Lucie et de tous les saints,
nous donne son Esprit de discernement,
pour choisir la bonne violence,
au Royaume des cieux dès cette terre…
et qui nous rendra doux, de la douceur véritable…
et pour nous garder de fausse douceur
qui nous rend vulnérable à la tentation
et qui nous fait entrer dans la mauvaise violence.
Viens Seigneur Jésus !
Amen

© FMJ – Tous droits réservés.