FMJ MtlSAINTE MARIE MÈRE DE DIEU – A
Fr Antoine-Emmanuel
Nb 6, 22-27 ; Ps 66 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21
Samedi, 1er janvier 2011
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

À la prière de la Mère de Dieu

Commençons par un bref retour dans l’histoire.
C’était il y a quinze siècles, en 431.
La population de la ville d’Éphèse en Asie Mineure
est en effervescence.
On chante, on se réjouit, on exulte !
Que s’est-il passé ?
Les évêques réunis en Concile œcuménique
viennent de proclamer un dogme majeur,
une définition théologique sans précédent :
Si quelqu’un ne confesse pas que Dieu est vraiment Emmanuel,
et, en conséquence, que la Vierge,
ayant engendré selon la chair le Verbe de Dieu fait chair,
est la Mère de Dieu, qu’il soit anathème.
La proclamation de ce texte provoqua une explosion de joie
dans la population d’Éphèse
qui attendait les pères à la sortie de la salle conciliaire
et les accompagna avec des flambeaux jusqu’à leur demeure.

Marie est la Mère de Dieu !
Ce n’est pas là un titre de plus pour honorer Marie,
mais bien une définition théologique
qui exprime l’identité même de la Vierge immaculée.
Et le peuple d’Éphèse ne s’est pas trompé en saluant ainsi
le fruit de la prière et de la réflexion des pères conciliaires.
La maternité divine de Marie
est une joie pour tout le peuple chrétien.
Dieu s’est choisi une mère de notre race humaine.
La Mère de Dieu n’est pas une sorte de divinité matriarcale,
sorte de reine-mère intervenant dans un mythe de théogénèse :
la Mère de Dieu est une femme.

Et telle est aujourd’hui la source de notre joie,
joie que la liturgie nous invite à goûter
en nous conduisant encore à Bethléem.
Avec les bergers, nous voici à nouveau
face à cette théophanie prodigieuse de simplicité et d’humilité :
la crèche !
Aujourd’hui, notre regard se tourne vers celle
qui prend soin du nouveau-né,
qui prononce son nom,
ne cessant de s’émerveiller devant cet Enfant-Dieu.

Regardons Marie et contemplons sa maternité.
Que pouvons-nous dire de cette maternité ?

*

Qu’elle est une maternité véritable tout d’abord.
Marie est la mère de Jésus.
Jésus n’a pas traversé le corps de Marie,
il a été véritablement enfanté dans le sein de Marie.
Et le corps de Marie s’est conformé à sa maternité
pour porter et nourrir l’Emmanuel.
La plus ancienne icône de la Mère de Dieu,
celle des catacombes de Sainte Priscille à Rome,
ne représente-t-elle pas la Vierge allaitante ?

Oui, la maternité de Marie n’est pas un concept ou un mythe.
Sa maternité est un événement
qui a marqué irréversiblement l’histoire d’une femme.
Marie est devenue mère
par la conception, l’enfantement, l’allaitement,
et l’éducation de son enfant.
Et Marie atteste pour nous
de ce que Jésus est véritablement homme.
À la plénitude des temps,
Dieu a envoyé son Fils né d’une femme (Gal 4,4)
écrit Saint Paul dans le plus ancien texte évoquant Marie
datant sans doute de l’an 57.

L’incarnation est une entrée véritable et concrète
dans la chair humaine.
Marie est véritablement mère.
Et cette maternité authentique
vient couronner la maternité humaine.
Elle est ainsi une bonne nouvelle pour toutes les mères,
et peut-être tout particulièrement
pour les femmes qui sont tentées de rejeter ou de fuir la maternité.
En Marie, la maternité humaine a acquis une dignité extraordinaire.

*

De la maternité de Marie nous pouvons aussi dire
qu’elle est une maternité spirituelle.
Spirituelle non pas au sens de quelque chose
de vaporeux ou de désincarné,
mais en ceci qu’elle est l’œuvre de l’Esprit Saint.
La maternité de Marie n’est pas
un prodige issu d’une quelconque magie
ou de phénomènes ésotériques.
Son artisan nous est connu :
C’est l’Esprit Saint, personne divine,
troisième personne de la Trinité.
« L’Esprit Saint viendra sur toi
et la puissance du Très Haut
te prendra sous son ombre » (Lc 1,35).

Jésus, confessons-nous, est conçu du Saint Esprit
et né de la Vierge Marie.
L’Esprit Saint, Esprit d’Amour qui procède du Père et du Fils
est puissance de vie et de fécondité :
Il porte du fruit, Il fait jaillir la vie.

Frères et sœurs, cette maternité spirituelle de Marie
est une bonne nouvelle pour nous,
et particulièrement pour tous ceux et celles
dont la vie est confrontée au non sens, à l’absurde,
qui sont dans une situation qui semble sans issue,
et que tentent le désespoir ou le suicide.
La maternité spirituelle de Marie
nous montre que ce qui humainement semble impossible
n’est pas impossible pour Dieu ;
et c’est l’œuvre de l’Esprit Saint,
dont on a dit qu’il est le Maître-d’œuvre des choses impossibles.

*

Maternité spirituelle : oui !
Mais aussi maternité virginale.
Marie en a été la première étonnée :
Comment cela se fera-t-il
puisque je ne connais pas d’homme ? (Lc 1,34)

Et la tradition chrétienne précisera :
Marie est vierge « ante, in et post partum »,
avant, pendant et après l’enfantement.
L’avènement de l’Emmanuel
n’est pas l’objet d’une décision humaine,
fût-elle celle de Saint Joseph et de la Sainte Vierge :
Il a Dieu pour origine.
Cet avènement est une initiative proprement divine.
Mais il ne s’est pas fait sans le concours,
la collaboration de l’humanité.

La virginité de Marie est le signe d’une nouveauté, d’une libération
que le prophète Isaïe avait entrevues.
Elle est le signe d’une vie nouvelle
qui recueille, épanouit et transfigure
la vie biologique transmise par le moyen de la sexualité.
La maternité virginale de Marie est une bonne nouvelle
pour tous ceux et celles qui n’enfanteront pas selon la chair,
mais qui peuvent désormais enfanter pour l’éternité.

*

Maternité véritable, spirituelle, virginale…
Maternité divine enfin.

Marie est Mère de Dieu :
Personne ne peut dire de Marie quelque chose de plus grand,
même s’il avait autant de langues qu’il y a de brins d’herbes,
d’étoiles dans le ciel, et de sable dans la mer !
Aussi notre cœur doit réfléchir, poursuit Luther,
sur ce que signifie être Mère de Dieu.

Quel paradoxe en effet !
Dieu s’est donné à enfanter à Marie.
Il a choisi de ne pas se fabriquer lui-même son humanité ;
Il a consenti à la recevoir d’une mère.
Dieu S’est laissé enfanter par la Vierge immaculée :
Il est venu prier Marie de lui tisser un corps,
de lui façonner son humanité.
Et désormais cette humanité est glorifiée en Dieu.

La maternité divine de Marie
est bonne nouvelle pour tous les humains.
Bonne nouvelle pour tous les pauvres et les humbles
qui exultent avec Marie :
Le Puissant fit pour moi des merveilles,
Saint est son Nom ! (Lc 1,49)

*

Frères et sœurs, qu’elle est lumineuse cette maternité de Marie !
Et ce qui est bouleversant, c’est que cette maternité mariale,
cette maternité divine, est notre commune vocation.
Nous tous, nous pouvons mettre Dieu au monde ! Comment ?
Heureux ceux qui écoutent la Parole de Jésus
et la mettent en pratique (cf. Lc 8,21).
Heureux ceux qui conçoivent la Parole
dans la virginité d’un cœur fécondé par l’Esprit.
Heureux ceux qui l’enfantent par leurs bonnes actions
qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple,
comme l’écrit Saint François.

Et son disciple Saint Bonaventure de préciser :
L’âme conçoit Jésus lorsque, insatisfaite de la vie qu’elle mène,
stimulée par de saintes inspirations,
enflammée d’une sainte ardeur,
et se détachant enfin résolument
de ses vieilles habitudes et de ses défauts,
elle est comme fécondée spirituellement
par la grâce de l’Esprit Saint
et conçoit le propos d’une vie nouvelle :
C’est la conception du Christ !
Une fois conçu, le bienheureux Fils de Dieu naît dans notre cœur,
lorsque, après un sage discernement,
après avoir demandé les conseils opportuns,
invoqué l’aide de Dieu,
nous mettons immédiatement à exécution ce saint propos
en commençant à réaliser
ce qu’on avait longuement conçu en esprit,
mais qu’on avait toujours reporté à plus tard
par crainte d’incapacité.

Frères et sœurs,
en ce jour où nous entrons dans une année nouvelle,
que le Seigneur nous donne à tous
d’enfanter en notre existence
ce que nous avons conçu depuis peut-être des mois ou des années
et que nous n’avons jamais encore su mettre en pratique.
N’y a-t-il pas au fond de nos cœurs
des désirs, des aspirations, des choix de conversion
qui attendent d’être mis en pratique ?
Confions-les à Marie
pour commencer aujourd’hui cette vie nouvelle.

Que Marie,
la Dei Genitrix qui a conçu Dieu,
la Theotokos qui a enfanté Dieu,
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous en ce jour
et chaque jour de cette nouvelle année.
Amen.

© FMJ – Tous droits réservés.

Note : Toutes les citations sont tirées de : Raniero Cantalamessa,
Marie, un miroir pour l’Église, DDB 1992.