FMJ Mtl24e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Jakub
Si 27, 30-28, 7 ; Ps 102 (103) ; Rm 14, 7-9 ; Mt 18, 21-35
17 septembre 2017
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Être toujours dans la disposition du pardon

Chers frères et sœurs,
Dans son journal écrit pendant la guerre, Etty Hillesum écrivait :
« Il faut d’abord apprendre à se pardonner ses défauts si l’on veut pardonner aux autres.
C’est peut-être l’un des apprentissages les plus difficiles pour un être humain,
je le constate bien souvent chez les autres,
que celui du pardon de ses propres erreurs, de ses propres fautes.
La condition première en est de pouvoir accepter,
et accepter généreusement,
le fait même de commettre des fautes et des erreurs. »
En effet, comment pardonner aux autres,
ou comment pardonner les autres, si l’on ne se pardonne pas à soi-même,
si l’on ne s’accepte pas soi-même?
Pardonner c’est libérer l’autre et se libérer de soi-même,
c’est conquérir la liberté intérieure.

Pierre pose alors à Jésus une excellente question.
En effet il fait allusion à quelque chose que nous connaissons bien :
la répétition.
La répétition de telle attitude, de tel acte, de telle parole…
qui nous blessent, nous agacent, nous mettent à rude épreuve!
Combien de fois, demande Pierre, pardonnerai-je à mon frère,
quand il pêchera contre moi? Jusqu’à 7 fois? Et Jésus lui répond :
«Je ne te dis pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois. »
C’est toujours qu’il faut pardonner,
et ce toujours ne peut pas être traduit en milliers ou en millions de fois.
Il est d’un autre ordre.
Pardonner, c’est poser un acte.
Pour faire comprendre cette exigence,
Jésus se place dans la perspective du Royaume des cieux :
« En effet, le Royaume des cieux est comparable à un roi… »
Notons donc bien que l’enseignement de Jésus sur le pardon
ne peut être reçu de façon juste que dans cette perspective du Royaume.
L’affirmation de fond, c’est donc bien que ton frère est ton frère,
ta sœur est ta sœur, et que cette fraternité implique forcément des malentendus,
voire des blessures mutuelles.
Selon la réponse que Jésus fait à Pierre,
de la même manière que Dieu est sans cesse disposé à nous pardonner
nous devons être toujours dans la disposition du pardon.

Le pardon devient presque un nouveau commandement.
Il s’inscrit au cœur même de la prière des disciples de Jésus :
« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. »
Le pardon fraternel n’est pas de l’ordre du conseil, c’est un impératif :
si l’on refuse cette logique du pardon,
on ne peut pas entrer dans le royaume des cieux.
Parce que « nous appartenons au Seigneur aucun d’entre nous ne vit pour soi-même,
et aucun ne meurt pour soi-même ».
Autrement dit, nous ne sommes pas des individus isolés,
des espèces d’électrons libres avec des trajectoires indépendantes!

C’est la solidarité très étroite qui nous unit les uns aux autres,
à travers le temps et l’espace.
Paul l’appelle le « dessein bienveillant de Dieu » :
ce projet c’est une humanité tellement unie
qu’elle ne fera plus qu’un en Jésus-Christ.
Une humanité tellement unie qu’on pourra dire un jour
qu’elle est « comme un seul homme » et cet homme,
nous connaissons déjà son nom, il s’appelle Jésus-Christ.
Et pardonner à soi-même et pardonner à mes frères et sœurs en humanité
c’est participer à ce projet.

Saint Ignace d’Antioche écrit :
«Dans l’accord de vos sentiments
et l’harmonie de votre charité vous chantez Jésus-Christ.
Que chacun de vous aussi, vous deveniez un chœur,
afin que dans l’harmonie de votre accord,
prenant le ton de Dieu dans l’unité,
vous chantiez d’une seule voix par Jésus-Christ un hymne au Père,
afin qu’il vous écoute et vous reconnaisse par vos bonnes œuvres,
comme les membres de son Fils.
Il est donc utile pour vous d’être dans une inséparable unité,
afin de participer toujours à Dieu. »

Que cette année pastorale qui commence en ce dimanche
et qui veut « ensemble donner corps au christ » approfondit notre unité entre frères,
sœurs, laïcs, tous les membres de notre assemblée.
Amen.

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