FMJ MtlSamedi, 25e Semaine du Temps ordinaire – B
Frère Antoine-Emmanuel
Za 2, 5-9.14-15 ; Ct Jr 31 ; Lc 9, 43-45
24 septembre 2005
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Annonce de la Passion

Il vient de se passer quelque chose d’impressionnant :
Jésus, qui vient de redescendre
de la montagne où Il était allé prier,
vient de guérir un enfant
prisonnier d’un esprit mauvais
au vu et au su de tous.

Le miracle a été d’autant plus marquant,
que par eux-mêmes,
les apôtres n’avaient pas réussi à le libérer.
En outre la violence de la crise
provoquée par la présence de Jésus
et l’immédiateté de la délivrance
ont bouleversé tous les présents.

Luc nous dit que tous
furent frappés de la grandeur de Dieu ! (Lc 9, 43a)
tous furent ‘étonnés – émerveillés’
de ce que faisait Jésus.
Un peu comme cela se produisit au bord du lac
après la multiplication des pains
quand s’éveilla un grand enthousiasme populaire.

Dans cette situation d’émerveillement de tous,
la réaction de Jésus est surprenante, même mystérieuse.
Il demande à ses disciples de se mettre dans l’oreille,
c’est-à-dire de bien retenir,
quelque chose qu’ils ne sont pourtant
pas encore capables de comprendre.
Il leur faut retenir une parole
qui leur demeure pourtant voilée.
Il s’agit – et c’est vrai pour nous comme pour eux –
de garder en notre cœur une parole
dont nous ne pouvons dévoiler nous-mêmes le sens
mais qui se dévoilera peu à peu à nous.

C’est là une merveilleuse capacité du cœur humain,
du cœur croyant, du cœur de pauvre,
humble devant la Parole qu’il laisse éclore en soi.

Quelle belle leçon pour nous tous :
Garder la Parole en notre cœur !
Comme Marie !

La Parole que les disciples devaient retenir est celle-ci :
« Le Fils de l’Homme va être livré aux mains des hommes » (Lc 9, 44).

Comment cette Parole va-t-elle se dévoiler ?
– par les faits, d’abord, les évènements.
Les disciples, bientôt,
verront les mains des hommes saisir Jésus, l’arrêter, le lier.
Des mains d’hommes vont le menacer, le frapper, l’outrager.
Des mains vont le gifler, le blesser, le flageller, le clouer,
le crucifier, et même le transpercer.

Puis d’autres mains vont le détacher,
le laver, le porter, le déposer, l’oindre.

Il sera vraiment « livré » aux mains des hommes.

Mais le dévoilement de cette Parole ne s’arrête pas là !

L’Esprit Saint la dévoile dans le cœur des croyants.
L’Esprit Saint révèle le sens de ce mot essentiel : « livré »
Le Fils de l’Homme sera « livré ».

Livré par le Père qui nous donne son Fils, son Unique.
Livré parce qu’Il se livre Lui-même.

Aucune main humaine ne pourrait le saisir
si l’Amour ne l’avait livré entre les mains des hommes.

Ainsi le Parole se dévoilera-t-elle au cœur des disciples.

Mais pourquoi cette Parole
dans le climat enthousiaste d’après la guérison ?
Serait-ce de la part de Jésus un refus de l’enthousiasme ?
Serait-ce l’apologie d’un christianisme sans joie ?

Non, frères et sœurs, Jésus ne refuse pas la joie.
Il ne la refuse pas, mais il l’élève.
Il le dira bientôt aux siens :
« Ne vous réjouissez pas
de ce que les démons vous sont soumis.
Réjouissez-vous de ce que vos noms
sont inscrits dans les cieux » (Lc 10, 20).

Oui, les guérisons, les exorcismes, les miracles
sont un don merveilleux de Dieu,
mais ils sont le signe, ils sont la route
vers une guérison plus grande :
la guérison de l’homme en son être même,
c’est-à-dire le Salut de l’homme.

Le Fils de l’Homme va être livré
aux mains des hommes
pour sauver l’homme,
pour libérer l’homme dans son être profond
de tout ce qui le renferme sur soi et le coupe de Dieu.
Voilà ce vers quoi doit monter notre joie, notre enthousiasme,
voilà ce que nous célébrons et recevons en chaque eucharistie.

*

Frères et Sœurs,
cette page d’Évangile est d’une grande actualité.

Pourquoi ?

Parce que la modernité rationaliste et technologique
n’a pas répondu aux attentes de nos contemporains ;
elle a généré une amertume, une désillusion,
et de là est né un désir d’humanité, d’harmonie, de guérison …

À nous chrétiens, il revient d’accompagner ce mouvement
pour qu’il aille plus loin que l’harmonie et la guérison,
pour qu’il aille jusqu’au Salut, jusqu’à ce Salut que
le Chapitre 9 de saint Luc a merveilleusement
résumé en une phrase :

Jésus guérit l’enfant et le remit à son père (Lc 9, 42b).

Le salut est la pleine guérison de l’homme
qui retrouve enfin la Paternité divine.

Le salut est la filiation divine
qui nous fait être, vivre, chanter en plénitude.

Voilà ce que Jésus seul peut nous donner.
Voilà ce dont nous devons devenir les instruments pour nos frères !

Jérusalem, qu’aucune peur ne t’arrête
dans ton annonce de l’Évangile du Salut !

N’élève aucune muraille, ne te protège pas …
Le Seigneur est pour toi muraille de feu.
Le Seigneur est au milieu de toi.

Élève la voix sans peur,
proclame le Nom de Jésus
qui guérit l’homme et le remet au Père.

Amen.

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