FMJ Mtl4e DIMANCHE DE L’AVENT – B
Frère Antoine-Emmanuel
2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16 ; Ps 88 ; Ro 16, 25-27 ; Lc 1, 26-38
21 décembre 2008
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Un Noël corporel, charnel et universel

« Tu concevras dans ton sein et tu enfanteras » (Lc 1,31).
L’Évangile de l’Annonciation est un Évangile très charnel !
C’est un Évangile du corps,
un Évangile pour le corps.

Avant l’Annonciation,
où la puissance de Dieu vient-elle de se manifester ?
Dans le corps d’Élisabeth !
Un corps vieilli, ridé, usé, affaibli,
un corps blessé par la stérilité
où le Seigneur a exalté sa miséricorde (Lc 1,58).
Et l’union corporelle des époux a enfin été féconde :
Élisabeth a conçu un fils qu’on appellera Jean.

Où la puissance du Seigneur s’est-elle ensuite manifestée ?
Dans le corps de Marie !
Corps d’une jeune fille vierge dans la fraîcheur de la jeunesse.
L’Esprit-Saint est venu sur elle,
Marie s’est mise à l’ombre de la puissance du Très-Haut
et en son sein a été conçu un enfant.
Marie bientôt percevra en son corps
le petit corps qui grandit.

Dans le corps d’Élisabeth se manifeste la Puissance de Dieu.
Dans le corps de Marie se manifestent sa Puissance et sa grâce.
Mais il est encore un autre corps où Dieu se révèle,
un corps qui est entier « épiphanie de Dieu » :
le corps de l’Enfant-Dieu,
un petit corps qui est celui du Fils de Dieu,
Dieu né de Dieu.

Merveille !!
Le corps humain n’est pas une terre maudite que Dieu méprise.
Il est le lieu par excellence où Dieu vient vivre l’Alliance !
Mon corps, ton corps ne dégoûte pas Dieu, au contraire !
C’est le temple qu’il désire pour y vivre ses noces avec nous.
L’Évangile de ce jour est un appel
à ouvrir notre corps à l’inattendu de Dieu.

Notre corps dans ce qu’il est très immédiatement
dit que nous sommes faits pour la relation, pour l’autre,
ne serait-ce que par le regard.
Notre sexualité en particulier dit que nous sommes faits
pour un échange d’amour avec un autre de l’autre sexe.
C’est le langage immédiat du corps.
Et ce langage nous oriente, nous mène,
vers la relation par excellence
qui est celle avec un Autre de l’autre nature :
Dieu Lui-même.

Notre corps est un cri vers Dieu.
Il est dans son silence désir de Dieu.

Or voici qu’aujourd’hui en Marie
l’Esprit de Dieu pour la première fois
déploie dans un corps toute sa grâce !
Cela pour que tous les corps humains
puissent atteindre ce dont le péché nous a fait dévier :
la pleine sanctification et « amorisation » du corps.

Père, vois notre corps :
aussi laid et blessé que nous pouvons le percevoir,
il est pour toi d’une exquise beauté
et tu désires t’y manifester en y répandant ton Esprit Saint …
Sois loué !

Quelle merveille !
Ce n’est pas une idée simplement
que conçoit Marie pas l’action de l’Esprit Saint, c’est un corps !
Un petit corps pour Dieu, le petit corps de Celui qui est Dieu.

Frères et sœurs, Noël est une fête très corporelle.
Il suffit de penser à la crèche
où nous allons déposer le corps de l’Enfant-Dieu…

*

Mais nous pouvons aller plus loin.
Ce n’est pas seulement dans le corps
que Dieu vient agir et accomplir ses merveilles :
c’est dans « la chair ».
Notre « chair » pour l’Écriture,
c’est notre humanité dans sa corporéité
mais aussi dans son histoire, dans sa fragilité et sa beauté,
dans sa mémoire, ses émotions, ses facultés.
La chair c’est l’histoire blessée et bénie d’Élisabeth et Zacharie ;
l’histoire douloureuse et glorieuse de Marie, de Joseph ;
c’est là que Jésus vient !

Depuis l’Annonciation, Jésus est en gestation
dans la chair, c’est-à-dire dans l’humanité, de Marie et de Joseph.
Il est en gestation dans notre propre humanité :
Si nous nous faisons proches de notre humanité,
si nous entrons en contact
avec notre réalité humaine concrète, avec notre histoire,
nous allons voir qu’un visage y apparaît
comme le soleil apparaît au lever du jour.

Jésus vient naître dans tout ce qui constitue notre humanité
comme tel souvenir blessé ou tel souvenir heureux.
Tout ce qui est humain, nos émotions,
nos affections, nos richesses et nos peines intérieures,
voilà ce qu’il vient habiter.

Il nous appartient simplement d’y être,
c’est-à-dire de descendre de nos grandeurs
pour habiter la crèche de notre humanité.
Alors un petit enfant va se présenter
dans un jaillissement de lumière
qui brise nos solitudes et nos peurs intérieures.

Mon humanité sera visitée,
mon humanité sera habitée d’une manière nouvelle.

Sois béni Père, toi qui au « cœur de notre humanité »
engendre ton Fils pour qu’en Lui,
nous sortions de nos solitudes
pour entrer dans la joie de la communion.

Frères et sœurs voilà pourquoi Noël est une fête familiale
marquée par la réconciliation, le pardon, la joie des retrouvailles.
Notre humanité visitée par Dieu est capable de pardonner,
elle laisse jaillir l’amour dans la joie.

C’est de cela qu’ont une très douloureuse nostalgie
ceux qui célèbrent Noël en excluant la foi.
Prions pour qu’ils retrouvent le chemin de la crèche…

*

Si nous laissons Noël se déployer
dans notre corps et dans notre chair,
alors nous attendrons une autre visite…
celle du monde entier.
Nous l’attendrons et nous nous mettrons à son service.
Nous brûlera le désir que toute chair,
que toute humanité, se laisse visiter.
Avec notre corps visité,
nous irons porter au monde la visite de Dieu.
Avec notre humanité habitée, nous irons servir la vie de Dieu
qui est en gestation en tout être humain.
Avec Marie, notre vie sera attirée dans le mystère de la Visitation !
Nous donnerons notre voix, notre corps, notre chair
pour que soit manifesté le mystère de l’Amour fait chair
qui, pour tant et tant de personnes,
reste aujourd’hui « enveloppé de silence » (Rm 16, 25).

Sois béni Père, toi qui nous entraîne dans un échange de dons
où nous devenons les uns pour les autres,
témoins de l’Amour incarné !
Tu veux faire de notre vie une visitation qui te porte au monde.

Frères et sœurs voilà pourquoi à Noël en échange des cadeaux,
parce que Noël n’est Noël que si la joie circule.

*

Un Noël corporel ;
un Noël charnel ;
un Noël universel ;
voilà le Noël le plus spirituel
que nous allons vivre.
Nous nous y préparons
en nous mettant très silencieusement avec Marie
à l’ombre de la Puissance divine,
à l’ombre du Très-Haut,
à l’ombre de Dieu.

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