FMJ MtlLA SAINTE TRINITÉ – C
Frère Antoine-Emmanuel
Pr 8, 22-31 ; Ps 8 ; Rm 5,1-5 ; Jn 16, 12-15
Dimanche, 3 juin 2007
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Accueillir un Mystère, une Présence, une Vie !

C’était à l’heure la plus chaude, au plein feu du soleil,
Abraham était là, assis à l’entrée de sa tente
plantée dans le désert au Chêne de Mambré (cf. Gn 18,1).

Ce jour-là, il reçut la visite la plus désirable qui soit :
Dieu lui-même vint jusqu’à lui.
Et le texte de la Genèse de préciser
qu’ils étaient trois
qui se tenaient debout près d’Abraham (cf. Gn 18,2) :
un visiteur, trois personnes !
Mystérieuse visite du Seigneur.

Mystérieuse visite que Dieu nous fait
en cette fête de la Sainte Trinité.
Recevant aujourd’hui une telle grâce
dans le désert de nos vies,
il nous faut regarder, et suivre, l’exemple du vénérable patriarche.

Abraham, rapporte l’auteur sacré de la Torah,
se prosterna face contre terre (id).
Célébrer la Sainte Trinité,
c’est accueillir un mystère.
C’est adorer.

Après cela, Abraham rendit tous les devoirs de l’hospitalité,
loi sacrée du désert.
Célébrer la Sainte Trinité,
c’est accueillir en nous une Présence.
C’est ouvrir nos cœurs.

Et quelle fut l’issue de cette admirable visite ?
Rien de moins que la promesse d’une vie,
d’une vie nouvelle et tant désirée.
Célébrer la Sainte Trinité,
c’est accueillir une Vie.
C’est vivre en plénitude.
Frères et sœurs, laissons venir à nous ce mystère,
cette présence, cette vie !
Qu’en cette heure, en cette fête,
Jésus nous donne par la foi,
l’accès au monde de la grâce (cf. Rm 5,2)
et que l’Esprit nous enseigne tout ce qu’il entend,
et nous guide vers la vérité toute entière ! (cf. Jn 16,13)

*

Un mystère à accueillir.
Un mystère, c’est une lumière
qu’il nous faut accueillir
dans l’émerveillement et dans la chasteté.
Évoquant le mystère de la Trinité,
Saint Augustin écrivait que nulle part ailleurs
l’erreur n’est plus dangereuse,
la recherche plus laborieuse
et la découverte plus fructueuse.
Aussi l’Église implore-t-elle aujourd’hui pour ses enfants
la grâce de professer la vraie foi
en reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité,
en adorant son unité toute puissante (Prière, Dim. de la Trinité).
Il ne s’agit pas ici d’une élaboration de l’esprit humain,
mais bien d’une révélation :
Dieu n’est pas un solitaire.
Il n’est pas non plus multiple.
Il est Un en sa nature et trine en la distinction des personnes.
Unité dans la diversité :
Nous voici d’emblée dans le Mystère de l’Amour :
Dieu est Amour (1 Jn 4,8).

Le Père ne cesse d’engendrer le Fils,
Dieu né de Dieu, vrai Dieu né du vrai Dieu (Credo).
Avant que les montagnes ne soient fixées,
avant les collines je fus enfantée (Pr 8,25) ;
Et l’Esprit est la vivante communion d’Amour du Père et du Fils
et le débordement de leur Amour.

Le Père n’est pas le Fils,
car l’un engendre et l’autre est engendré.
Le Fils vit par le Père, proclame Jésus (Jn 6,57).

Le Père n’est pas l’Esprit.
Il est, nous dit Jésus,
Celui qui vient d’auprès du Père (Jn 15,26).

Le Fils enfin n’est pas l’Esprit.
L’Esprit repose sur le Fils,
Il est envoyé par le Fils
et Il le glorifie (cf. Jn 15,26 et 16,14).

La distinction est parfaite.
Et parfaite est l’unité, car l’amour est parfait.
Il y a l’infiniment Aimant,
l’infiniment Aimé
et l’infini Amour.

Voici l’Amour chaste
qui se plait à faire exister l’Autre en se donnant à Lui.
Voici l’Amour vrai
qui accueille l’autre et se reçoit de Lui.
Voici l’Amour fécond
qui déborde de Vie et de Joie.

Dès lors, quand l’amour en notre monde
semble n’être plus qu’un mot,
quand l’amour en nos vies
n’est plus que souvenir et nostalgie,
quand l’amour en nos cœurs n’est que tiédeur,
alors… demandons à Dieu un cœur d’enfant
pour être ranimés en adorant
ce mystère d’Amour révélé aux tout-petits (cf. Lc 10,21).
La majesté suprême du divin Amour
est chanté par des lèvres d’enfants, de tout-petits (cf. Ps 8,2-3).

Oui, la Trinité est un mystère à accueillir
qui nous enfante à la louange.

*

S’il est un véritable adorateur (cf. Jn 4,23),
Abraham, notre père dans la foi,
est aussi le modèle de l’hospitalité.
La Trinité est une présence à accueillir.
Aujourd’hui, Dieu Lui-même
se tient à la porte de notre cœur (cf. Ap 3,20).
Si quelqu’un m’aime, proclame Jésus,
il gardera ma Parole,
mon Père l’aimera
et nous ferons chez lui notre demeure (Jn 14,23).
Nous ne sommes plus seuls !
Si nous aimons,
Dieu demeure en nous.
Il est celui
qui trouve ses délices avec les fils des hommes (Pr 8,31).
Il se complait extrêmement
dans une âme à laquelle il a fait don de sa grâce
(Jean de la croix, C.S.A. 24,5).
Je suis haut placé et saint dans ma demeure, dit le Seigneur,
mais je suis avec l’homme contrit et humilié (Is 57,15).
Qui que nous soyons, Dieu aime demeurer en nous.
Nous sommes pour lui la plus désirable des demeures
bien plus que toutes les Cathédrales du monde.

« Où es-tu caché mon Dieu ? » interrogent les mystiques.
Dieu est caché en notre âme,
et c’est là que le vrai contemplatif doit le chercher.
(Jean de la croix, C.S.B. 1,6)
Nous sommes des êtres habités par une Présence d’Amour.
« Ô Trinité, s’exclamait Thérèse de Lisieux,
vous êtes prisonnière de mon amour ! » (PN 17, O.C. p. 667)
Celui qui demeure dans l’amour
demeure en Dieu et Dieu demeure en lui (1 Jn 4,16),
écrit Saint Jean.

Frères et sœurs, puisque Dieu se plait à demeurer en nous,
puisque son Royaume est au dedans de nous,
il nous faut lui rendre tous les devoirs de l’hospitalité.
Puisqu’il est là, écrivait Élisabeth de la Trinité,
tenons-lui compagnie,
comme l’ami à celui qu’il aime (L 184, O.C. p. 515).

Nous entrerons alors dans une confiance vraie en face de la vie,
puisque celui qui nous sauve,
celui qui nous aime demeure en nous,
même s’il est caché ou semble parfois si loin.

Oui, quand l’inquiétude,
le trouble ou l’angoisse nous saisiront,
la rencontre de Dieu au plus intime de notre cœur
sera chemin de réconfort, d’apaisement et de joie.

*

Accueillir un mystère,
accueillir une présence,
mais aussi : accueillir une Vie,
À l’exemple d’Abraham comblé par la promesse
d’une fécondité tant espérée.
La présence de Dieu en nous n’est pas une présence inerte,
sorte de relique ou de vestige.
La Présence trinitaire en nous est une présence vivante.
Dieu est vivant en nous.
Au plus intime de notre être,
le Père engendre le Fils,
le Fils aime le Père
et l’Esprit jubile d’allégresse.
Au plus profond de nos cœurs,
la Trinité vit, l’Amour jaillit, l’Amour déborde.
La présence de Dieu est une présence vivante et vivifiante,
comme un feu qui convertit tout en feu
pour nous consumer dans l’amour si nous y consentons.

Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi,
prophétisait Sophonie,
il te renouvelle par son amour (So 3,17) !
Nous l’avons entendu :
L’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs
par le Saint Esprit qui nous a été donné (Rm 5,5).
Nous sommes faits pour aimer,
c’est-à-dire pour accueillir cette vie de Dieu
qui s’offre à notre liberté.

En Dieu, regarder c’est aimer, (Jean de la croix, C.S.B. 31,5)
en Dieu, rencontrer, c’est aimer ;
en Dieu, parler, c’est aimer ;
en Dieu, être, c’est aimer.
Voilà ce qui nous est promis
quand nous laissons la Trinité habiter notre vie.

*

Mystère, Présence et Vie,
la Trinité vient emporter nos esprits, nos cœurs et nos vies
dans l’élan de son amour.
Chaque eucharistie qui nous rassemble comme en ce jour de fête,
nous est donnée pour renouveler en nous
cette Présence trinitaire,
nous invitant à accueillir
la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ,
l’amour de Dieu le Père,
et la communion du Saint Esprit. (M.R. – cf. 2 Co 13,13)

Toute la joie du ciel vient dans un cœur !
s’émerveillait Thérèse de l’Enfant Jésus
au jour de sa première communion (Ms A, 35r°, O.C. p. 125).
Qu’il faut donc qu’une âme soit grande
pour contenir un Dieu !
Et pourtant, ajoute Thérèse,
l’âme d’un enfant d’un jour lui est un paradis de délices.
(LT 165, O.C. p. 500)

Oui, penses que ton âme est le temple de Dieu,
ajoute Élisabeth de la Trinité,
À tout instant du jour et de la nuit,
les trois Personnes demeurent en toi (…)
Quand on sait cela,
c’est une intimité toute adorable…
On n’est plus jamais seule !
(L. 273, O.C. p.681-682)

Seigneur, fais que jamais je ne te prive
de la joie de demeurer en moi,
que jamais je ne me prive
de la joie d’être habité par toi !

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