FMJ Mtl4e DIMANCHE DE PÂQUES – B
Frère Antoine-Emmanuel
Ac 4, 8-12 ; Ps 117 ; 1 Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
7 mai 2006
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Le Bon Pasteur

Cheminant, il y a quelques jours
par les vallées du désert de Juda,
lors de notre pèlerinage en Terre Sainte,
longeant le Wadi Kelt qui descend vers Jéricho,
nous avons vu là nombre de camps de bédouins.
On y voit des maisons de fortune,
mais aussi des enclos attenant à celles-ci
pour garder les brebis ou les chèvres.

Dans ces enclos,
les brebis n’ont là pratiquement rien à manger.
Le bédouin-berger vient donc, au petit jour,
chercher son troupeau,
le fait sortir de l’enclos,
et le conduit vers les collines où l’herbe a poussé
lors des dernières pluies
et vers des cours d’eau où le troupeau pourra s’abreuver.

On comprend aisément
que le vrai berger est celui qui n’entre pas par effraction,
mais par la porte ;
il est celui que les brebis connaissent,
qui les fait sortir,
qui n’épargne pas ses pas
pour les conduire
là où elles pourront paître et boire en abondance,
et qui les défendent des prédateurs.

Il différencie du voleur qui vient piller le troupeau,
de l’étranger que les brebis ne suivront pas,
du mercenaire qui fuit quand le troupeau est attaqué.

*

Frères et sœurs, Jésus a bien connu ces scènes
de la vie quotidienne du berger.
Aujourd’hui, il s’y réfère dans un dialogue très tendu
avec quelques pharisiens.
Il se révèle à eux – et à nous –
comme le « Bon Berger », le Beau Berger.

Dans quelles circonstances se révèle-t-il ainsi ?
Alors qu’il vient de conduire l’aveugle-né
des ténèbres à la lumière.
Il vient de guérir la cécité de ses yeux
et maintenant, il conduit son âme
des ténèbres à la lumière.

Jésus se révèle de manière merveilleuse
comme le berger qui rejoint notre humanité,
non par effraction
mais avec un respect et un amour inouïs ;
comme celui qui nous fait sortir
d’un monde clos et ténébreux
qui nous condamnerait à mourir de faim et de soif ;
comme celui qui nous ouvre la route
pour nous conduire vers les prés d’herbes fraîches
et les eaux du repos qui sont notre salut (Ps 22, 2).

Chacun d’entre nous ne peut-il pas
proclamer avec gratitude :
Le Seigneur est mon berger ?
Oui, Il dénoue mon sac et me ceint d’allégresse (Ps 30, 12).

Qu’il serait beau qu’en ce dimanche
nous fassions mémoire dans un éclat de joie
de tout ce que le Beau Berger
a fait pour nous libérer des enclos
de la tristesse, de la susceptibilité et du péché !

Oui, « le Seigneur est mon berger » …
mais il faudrait que chacun de nous puisse aussi ajouter
avec toute la vérité de son cœur :
je ne manque de rien (Ps 22, 1) !
Le croyons-nous ?
Le disons-nous ?

Jésus voudrait aujourd’hui nous conduire
dans cette « belle profession de foi »
et pour cela, il nous révèle
ce qui le rend si différent de tous les bergers de la Terre.

*

Frères et sœurs, avez-vous déjà vu un berger
qui, voyant venir un loup,
défend son troupeau au prix de sa vie ?
Croyez-vous qu’il existe ici-bas un berger
pour qui la vie de ses brebis est plus précieuse
que sa propre vie ?
Voilà ce qui identifie le bon berger :
Le bon, le beau berger est celui qui
donne sa vie pour ses brebis (Jn 12, 11),
littéralement qui « dépose » sa vie pour nous :
geste libre,
geste d’amour extraordinaire,
geste d’obéissance infinie au Père !

« Ma vie, dit Jésus, j’ai pouvoir de la donner
et pouvoir de la prendre de nouveau :
tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père » (Jn 10, 18).

Ce que je te commande, semble dire le Père au Fils,
c’est de te défaire de la vie que je te donne,
d’entrer dans une grande pauvreté,
et, dans cette grande pauvreté,
d’accueillir de nouveau mon infini amour paternel.

N’est-ce pas là l’unique commandement du Fils :
vivre un perpétuel dépouillement
et perpétuellement recevoir l’amour du Père ?
C’est pour cela,
c’est dans ce but-là,
nous dit Jésus aujourd’hui, que le Père m’aime :
pour que je puisse vivre ce bonheur infini
de dépendre entièrement de son amour,
de ne vivre que suspendu à son amour,
m’en dépossédant sans cesse
pour le recevoir sans cesse.

Et voici l’extraordinaire Bonne Nouvelle :
vivant cela en son humanité,
vivant cela en sa mort et sa résurrection,
le Fils nous ouvre le chemin de cette merveilleuse
dépendance filiale où nous pouvons sans cesse
nous déposséder de tout pour tout recevoir.
C’est cela la « puissance du Nom de Jésus »
dont Pierre nous parle aujourd’hui.
Il nous libère de la paralysie
qui nous fait amasser, posséder,
accumuler pour nous tant et tant de biens
et même nous approprier des personnes
au lieu de vivre dans la sublime liberté filiale !
« Voyez comme il est grand l’amour
dont le Père nous a comblé :
il a voulu que nous soyons appelés enfants de Dieu
et nous le sommes ! » (1 Jn 3, 12)

Alors « le loup » pour reprendre le terme de l’Évangile
ne peut rien contre nous
puisqu’il ne peut rien contre l’Amour !
Le loup vient, dit Jésus,
pour « disperser »,
pour nous diviser,
pour nous monter les uns contre les autres,
mais Jésus, Beau Berger,
en nous appelant sans cesse dans l’Amour,
nous prévient de la désunion
et nous rend capable d’aimer comme il aime !
Et Lui seul peut réaliser cela en nous,
car son Nom est le seul Nom donné aux hommes
par lequel nous pouvons être sauvés (Ac 4, 12).

*

Alors, oui, nous ne manquons de rien
puisque notre joie est de nous défaire
de tout pour tout recevoir.
Le Seigneur est mon Berger,
je ne manque de rien !

Oui, nous ne manquons de rien
et nous ne pouvons pas garder cela pour nous.
Jésus nous envoie auprès de toutes les brebis
encore prisonnières des enclos et des ténèbres
du non-amour pour que nous soyons les instruments
de leur libération et de leur joie.

« Qui enverrai-je » demande le Seigneur ? (cf. Is 6, 8)
Qui enverrai-je dans les enclos
où mes enfants meurent de faim et de soif
parce qu’ils méconnaissent l’Amour ?
Qui enverrai-je ?
Qui voudra leur révéler la vie de mon Fils ?

En ce dimanche des vocations, n’y a-t-il pas un oui,
un oui nouveau ou un oui renouvelé
que le Seigneur attend de toi ?

Oui, Seigneur, envoie-moi où tu voudras
et donne-moi de témoigner par ma vie
de la tendresse de ton Fils notre Beau et Bon Pasteur !

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