FMJ Mtl3e DIMANCHE DE L’AVENT – B
Frère Antoine-Emmanuel
Is 61, 1-2.10-11 ; Lc 1, 1 ; Th 5, 16-24 ; Jn 1, 6-8.19-28
11 décembre 2005
Sanctuaire du Saint Sacrement, Montréal

« Mon être se réjouit en mon Seigneur »

« J’exulte, j’exulte dans le Seigneur » (Is 61, 10).
avons-nous entendu aujourd’hui
d’un cœur qui déborde de joie devant Dieu,
qui déborde de joie parce que Dieu est Dieu,
parce que Dieu est sauveur.
« Mon être se réjouit en mon Seigneur » (id).
Tout mon être est joie !

Mais comment peut-on « exulter » de joie ?
Comment peut-on n’être que joie
dans notre monde d’aujourd’hui, tel qu’il est ?
Est-ce possible ?

Frères et sœurs, d’où vient la vraie joie ?
Ce ne sont pas les choses qui donnent la vraie joie.
Ce ne sont pas les idées non plus.
Nous le savons au fond de nous-mêmes :
la vraie joie vient de l’amour,
elle vient d’une rencontre animée par l’amour.

Or voilà qu’aujourd’hui nous est annoncée et promise
une rencontre :
en notre temps, en notre monde,
en notre Québec d’aujourd’hui,
vient Celui qui a été consacré et envoyé par le Père.

Il vient, nous dit Isaïe, avec une double mission :
celle de proclamer la Bonne Nouvelle
qui libère les captifs,
et celle de guérir les cœurs blessés.
« L’Esprit du Seigneur est sur moi, dit-il,
parce qu’il m’a consacré par l’onction
pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle
et pour panser les cœurs meurtris » (Is 61, 1).

Alors, oui, notre âme peut exulter
parce que nous savons,
de cette parole qui nous a été donnée,
que tant et tant de cœurs blessés
vont recevoir la Bonne-Nouvelle
et vont être guéris par Dieu.

Dieu a trouvé le chemin
pour rejoindre le cœur des hommes
et pour leur donner l’huile de joie (v. 3)
à la place d’un vêtement de deuil.
Notre temps ressemble à un long hiver,
l’hiver de l’incroyance,
l’hiver des familles divisées,
l’hiver des divertissements,
l’hiver de la dépression.
Mais dans cet hiver, le salut est en train de germer.
« Voici que je vais faire une chose nouvelle » (Is 43, 19),
ici même, dit le Seigneur.
« Déjà elle pointe, ne la reconnaissez-vous pas ?
Oui, comme la terre fait éclore ses germes
et qu’un jardin fait germer ses semences,
ainsi le Seigneur fait germer au milieu de vous
la sainteté et la louange » (Is 61, 11).
Voilà ce qui se passe en notre temps !

Un proverbe des paysans de Toscane dit cela très bien :
« Sotto la neve c’e pane »
Sous la neige, il y a du pain,
parce qu’il y a une moisson qui y germe silencieusement.
Voici 2000 ans, la terre a été ensemencée
et désormais elle germe.

Oui, la vie divine est en train de germer
dans tant et tant de cœurs !
C’est cela que nous voyons
quand nous regardons le monde
à la lumière de la Parole de Dieu,
et c’est cela qui nous « interdit »
de désespérer devant toute situation ;
« en toutes choses,
dit aujourd’hui l’apôtre Paul,
rendez grâce à Dieu » (1 Th 5, 18),
parce que l’amour de Dieu
est en train de germer en tout lieu,
pour tout guérir dans la miséricorde.
Il est vrai que souvent cette germination
est invisible à nos yeux humains …
Et c’est pour cela que nous avons besoin de Jean-Baptiste
qui vient nous révéler ce que nous ne voyons pas,
exactement comme il le fit au bord du Jourdain.

L’Évangile de ce jour nous parle en effet
de ces prêtres de la commission d’enquête
envoyés par le Temple de Jérusalem
pour enquêter auprès de Jean-Baptiste.
Ces prêtres, ces lévites voyaient bien tous les visages
qui étaient autour de Jean-Baptiste,
mais ils ne reconnaissaient pas que, parmi ces visages,
il y avait le Seigneur qui était là, présent :
« Au milieu de vous se tient Celui
que vous ne connaissez pas » (Jn 1, 26),
c’est-à-dire que vous n’avez pas encore reconnu
mais qui est bien présent, déjà, dans votre histoire.

Jean-Baptiste, nous dit l’Évangile,
est le témoin de la Lumière (cf. Jn 1, 8) ;
mais, me direz-vous, la lumière n’a pas besoin de témoin !
Tous la voient !

Oui, c’est vrai de la lumière naturelle du soleil,
mais en ce monde, il y a désormais une autre Lumière
qui est Jésus venant parmi nous,
présent au milieu de nous.
Là où nos yeux voient de la neige,
à l’école de Jean nous apprenons à voir ce qui est sous la neige,
à voir la joie de Dieu qui est en train de germer en silence,
à voir Jésus qui vient offrir son amour à tous les hommes.

Là où nous voyons des cœurs blessés,
des familles divisées,
une culture déshumanisée,
avec Jean nous voyons Jésus qui est en train de venir
pour guérir,
pour libérer,
pour donner vie et joie.

Pour prendre un exemple très simple,
le monde ne voyait en Pranzini
qu’un criminel bon pour l’échafaud …
Mais la petite Thérèse, depuis son Carmel,
voyait en lui un enfant de Dieu
vers lequel Jésus était en train de venir
pour lui offrir son éternité d’amour !

Jean nous apprend à voir
ce que Dieu est en train de faire
quand nos yeux humains ne le voient pas encore.

Oui, en tout homme la vie divine germe,
en notre monde la vie de Dieu
est en train de germer.
Le printemps est proche
pour tous ceux et celles qui laissent le Seigneur les visiter.
Même la lourde pierre tombale de la mort
ne peut empêcher la vie du Christ de germer …

À tout notre être est promise la visite de Jésus.
Pour reprendre les termes de Paul,
notre souffle, notre psychè et notre corps (1 Th 5, 23),
tout notre être,
peut-être « sanctifié » par la venue du Seigneur.

Et quelle joie,
oui, quelle joie quand nous sommes témoins
de l’éclosion de la vie divine
chez l’un ou l’autre de nos proches;
quand on voit depuis le fond d’un cœur,
l’amour de Dieu guérir les blessures profondes,
apaiser les besoins et les émotions,
épanouir les désirs et les sentiments
et faire jaillir l’amour …
Quelle merveille !
C’est le grand miracle de l’Amour de Dieu.

Le travail « sous-terrain » de l’Esprit en notre temps
est extraordinaire.
La résurrection de Jésus
est comme un nouveau « big bang »
dont les énergies d’Amour travaillent en profondeur
les cœurs de notre génération.

Et nous-mêmes frères et sœurs,
ne sentons-nous pas, parfois,
cette vie divine qui veut germer en nous
avec force et avec douceur dans les profondeurs de notre être ?
Oui, nous pouvons exulter de joie dans le Seigneur
parce qu’il vient dans le désert de notre temps.
Et qu’Il soit loué pour toutes les guérisons,
les réconciliations,
les délivrances,
les conversions
qui sont en germe dans les cœurs
pour que naisse une nouvelle génération
de témoins de l’Évangile.

L’Avent nous est donné simplement pour cela,
pour ré-ouvrir notre cœur à Jésus
qui depuis 2000 ans ne cesse pas de venir
dans la puissance de sa Résurrection.
Et Noël nous redira comment Il vient :
Il vient toujours dans l’humilité,
toujours dans la divine pauvreté,
Il vient toujours par Marie,
Il vient toujours pour être en nous la lumière qui guérit nos vies.
Jésus vient…
Et que fait l’Église ?

L’Église est comme Jean-Baptiste :
elle annonce sa venue,
et comme Jean, sa joie est parfaite (Jn 3, 29).
L’Église est comme Marie :
elle est au service de cette venue
et comme Marie,
elle « exulte de joie en Dieu son Sauveur » (Lc 1, 46).

Et nous, chacun, chacune, baptisés, que devons-nous faire ?
Ce que Jean-Baptiste nous dit aujourd’hui :
« aplanir le chemin du Seigneur »,
c’est-à-dire Le laisser venir, préparer son chemin,
Le laisser passer en nous et à travers nous.

Comment « aplanir le chemin » du Seigneur,
comment le laisser passer ?
Un moyen privilégié pour cela
est le sacrement du pardon.
Parce que dans ce sacrement de vie
nous permettons au Seigneur
de visiter et de guérir
ce qui en nous est fermé ou hostile à son amour.

Dans ce sacrement d’amour,
nous lui permettons de venir visiter
telle habitude à convertir,
tel souvenir douloureux,
telle relation désordonnée,
telle souffrance intérieure,
telle fermeture à sa vie divine, etc.
Et nous goûtons alors la joie de ce sacrement,
car c’est un sacrement de joie tourné,
non pas vers le passé,
mais vers l’avenir.

Joie de voir la vie divine germer en nous avec puissance
et à travers nous dans l’Église et dans le monde ;
joie parce que libérés du péché,
nous sommes rendus à Dieu
et nous sommes rendus aux frères et sœurs,
rendus à l’Église !

Si nous regardons ce sacrement avec peur,
et cela peut arriver,
ou bien avec suspicion,
ou même avec colère,
demandons à Jean le Baptiste
de nous aider à y reconnaître la présence de Jésus
que nous n’y voyons pas encore,
à y reconnaître la source jaillissante d’Amour
que le Seigneur nous offre là, à travers l’Église,
à travers le ministère des prêtres …
C’est un sacrement de résurrection !

Alors, il nous restera à nous y préparer
d’abord en demandant à l’Esprit-Saint
un don merveilleux : le don du repentir.
Le don de ce désir de revenir vers le Seigneur,
le don de regretter notre misère devant Lui,
non pas le remord,
mais le repentir qui nous fait remonter vers Lui.
Et puis en faisant
non pas un examen de conscience moraliste
à partir de nos propres critères,
mais en laissant la Parole de Dieu nous juger :
C’est elle qui dévoilera les vrais obstacles à la joie
qui sont encore en nous.

Nous pouvons par exemple,
si nous le souhaitons,
partir de la Parole de Dieu
qui nous a été donnée le Premier dimanche de l’Avent
et qui nous invitait à la joie de nous ressaisir
dans l’espérance de la vie éternelle,
à partir d’une relation personnelle forte avec Jésus,
à la joie d’entrer profondément
dans la dimension communautaire de la vie chrétienne,
et à la joie de porter dans notre cœur,
avec Jésus, l’incroyance du monde d’aujourd’hui.

Alors nous confesserons nos tristesses
et ce faisant, nous aplanirons le chemin du Seigneur
qui vient pour prendre sur lui nos tristesses
et faire germer en nous
et à travers nous, dans les autres, sa joie, sa divine joie.

Oui, Jésus vient en notre monde,
en notre temps,
c’est pour cela que, comme le dit l’apôtre Paul,
nous pouvons être toujours joyeux (1 Th 5, 16).
C’est pour cela qu’en cette Eucharistie
nous pouvons, si vous le voulez,
rendre grâce au Père en Jésus
pour toutes les merveilles qu’Il va accomplir,
pour toutes les merveilles
que la venue de Jésus en notre monde
va réaliser dans les temps qui viennent.

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