FMJ Mtl14e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – A
Frère Antoine-Emmanuel
Za 9, 9-1- ; Ps 144 ; Rm 8, 9.11-13 ; Mt 11, 25-30
9 juillet 2017
Maison de Prière, Mont-Saint-Hilaire

Le rude combat du paraître

« Ce que Tu caches à des sages et des savants,
Tu le révèles à des tout petits » (Mt 11,25).
Avez-vous déjà contemplé Dieu notre Père,
le Dieu Très-Haut, le Dieu Saint, le Dieu Tout-Puissant,
Créateur du Ciel et de la Terre
qui Se « penche » sur des « tout-petits »,
sur des personnes simples, humbles, sans prétention,
au cœur d’enfant et leur enseigne ?
Il y a une sorte de kénose du Père
qui vient parler au cœur des plus petits.

Les tout-petits ne sont pas nécessairement
des enfants, des personnes dans la misère.
Ce sont ceux qui intérieurement sont petits.
Pierre avait découvert cette voie ;
aussi Jésus lui dira-t-Il :
« Heureux es-tu Simon, fils de Jonas,
ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela
(que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu),
mais mon Père qui est aux Cieux » (Mt 16,17).

« Tu le révèles à des tout-petits » …
Voilà qui nous fait comprendre
que Dieu n’est pas repoussé par la petitesse.
Au contraire, la petitesse intérieure L’attire.
La petitesse intérieure est un aimant pour Dieu.
La grandeur intérieure, les piédestaux, les honneurs mondains
sont un repoussoir pour Dieu.
« Ce qui est élevé pour les hommes,
est objet de dégoût devant Dieu » (Lc 16,15).

Chaque fois que nous descendons intérieurement
de notre piédestal, l’Amour de Dieu Se précipite
comme s’Il guettait ce moment-là
pour pouvoir nous embrasser,
nous « couvrir de baisers »,
comme Il le fait pour l’enfant prodigue (cf. Lc 15, 11-32).

Marie n’est jamais montée sur un piédestal intérieur.
Elle n’en avait ni le goût, ni le besoin,
parce que son cœur immaculé ne pouvait ni ne voulait
quitter l’amour humble,
l’amour qui sert,
l’amour qui s’oublie.
Et Dieu S’est penché sur son humble servante (Lc 1, 48a).
Et à Celle qui avait trouvé grâce auprès de Lui,
Il fit plus que révéler sa Parole.
Il La déposa en Elle, en son sein,
pour La donner, incarnée, au monde.

« Tu le révèles à des tout-petits ».
Mais aux sages et aux savants selon le monde,
aux experts des choses de Dieu
qui n’ont pas la belle crainte de Dieu,
Dieu cache ses secrets.
Dieu leur cache la vraie connaissance
comme Il le fit en postant le Séraphin
pour empêcher l’accès à l’Arbre de Vie (cf. Gn 3,24).

C’est ainsi que pour beaucoup, la croix reste cachée.
La croix reste voilée.
La Passion qui est le dévoilement
de l’Amour infiniment humble, reste cachée.
Prenez la prophétie de Zacharie que nous avons entendue
dans la Première Lecture.
Un roi qui fait son entrée sur un petit ânon,
aux yeux du monde, c’est dérisoire, absurde, naïf.
Rien à voir avec les Champs Élysées !

Mais aux yeux de ceux qui regardent avec un cœur d’enfant,
c’est grand, c’est tellement grand.
C’est même la seule investiture royale
qui puisse désarmer les puissances du monde.
« Ce roi fera disparaître d’Éphraïm les chars de guerre
et de Jérusalem les chevaux de combat » (Za 9,10).

Dieu révèle la croix aux petits.
Et l’on peut ajouter, Dieu me révèle ma croix
dans la mesure où je reste intérieurement petit.
Lorsque je me crois grand ou me fais grand,
ma croix est incompréhensible, et je la rejette violemment.
Seule l’humilité peut me révéler ma croix
comme chemin de gloire et de communion.

C’est ce que confesse l’Apôtre Paul
quand il consent à la Parole de Jésus :
« Ma grâce te suffit :
car ma puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12,9).

Combien nous avons besoin de l’Esprit Saint,
pour demeurer dans la joie de cette petitesse intérieure.
Une petitesse qui n’est pas démission,
qui n’est pas misérabilisme,
qui n’est pas un repli sur soi dans la peur,
bien au contraire !

La petitesse que nous enseigne l’Esprit Saint
nous donne des ailes pour faire de grandes choses
dans l’ordre de l’amour,
pour transformer le monde en profondeur.

« Si par l’Esprit, nous dit aujourd’hui l’apôtre Paul,
vous tuez les agissements de l’homme pécheur
– de l’homme imbu de lui-même –
vous vivrez » (Rm 8,13).
Vous vivrez et vous donnerez vie.

Renoncer au piédestal intérieur,
c’est en réalité être libre des lourds fardeaux
du paraître, de la bonne impression
à donner à Dieu et aux autres.
Il y a une joie, et plus encore une douceur extraordinaire
quand on remet à Jésus ces fardeaux
pour prendre son fardeau, son joug,
c’est-à-dire pour porter le seul fardeau de l’amour.
Je ne me fatigue plus à donner bonne impression.
Je me fatigue au labeur – et s’en est un – de l’amour.
Mais dans cette fatigue-là,
je ne suis pas seul.

Quand je veux paraître, je suis seul intérieurement.
Quand je veux aimer, Jésus me précède
m’accompagne, me porte :
que je le sente ou non.
Mieux : Il me repose !

« Venez à Moi… et Je vous reposerai » (cf. Mt 11,28).

La « dette de la chair » est épuisante ;
la dette de l’amour mutuel nous libère,
et ce n’est jamais seul que nous avons à la payer.
C’est peut-être ce que nous pourrions choisir pour cet été ?
Permettre à Jésus de nous reposer,
de nous délester du fardeau du paraître,
pour prendre l’unique fardeau de l’amour
avec la force de l’Esprit Saint.

Viens Esprit Saint en nos cœurs !
Viens Père des pauvres.

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