FMJ Mtl20e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – B
Frère Antoine-Emmanuel
Pr 9, 1-6 ; Ps 33 ; Ép 5, 15-20 ; Jn 6, 51-58
19 août 2012
Abbaye de Rougemont, Québec

La petite hostie blanche

La liturgie de la Parole en ce dimanche
commence par une invitation à un festin :
« Venez manger mon pain
et boire le vin que j’ai apprêté » (Pv 9,5).
Il s’agit là du festin de la Sagesse
car la vie selon Dieu,
la vie avec Dieu est joyeuse comme un festin
où se vit une profonde communion.
Le sacrifice de l’obéissance à la Loi ouvre à la joie.

*

C’était déjà l’expérience que fit Moïse.
Que firent Moïse et les 70 Anciens sur la montagne
après le sacrifice de paix et l’aspersion du sang ?
Ils contemplèrent Dieu,
ils mangèrent et ils burent (Ex 24,11).
Le sacrifice de l’obéissance à la Loi de Dieu
ouvre à un festin de communion.

*

Souvenez-vous aussi de ce que perçut Isaïe :
Le Seigneur de l’univers va donner sur cette montagne
un festin pour tous les peuples,
un festin de viandes grasses et de vins vieux (Is 25,6).
Et le Seigneur essuiera les larmes sur tous les visages (25,8).

Mais quel sacrifice ouvrira
à ce banquet éternel de communion ?
Quel sang sera versé
pour que tous les peuples entrent dans la fête ?

C’est le Nouveau Testament qui y répondra.
Le corps livré est celui de Jésus.
Le sang versé est celui de Jésus.
Le sacrifice de la Croix
ouvre le banquet de communion entrevu pas Isaïe.
Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau
proclame l’Apocalypse (19,9).
Car il en va du Royaume des cieux
comme d’un roi qui fit un festin de noces
pour son fils (Mt 22,2).

*

Frères et sœurs, nous sommes tous des invités,
des invités de marque.
Être, exister, vivre, cela signifie être invité au festin,
être invité à une communion inouïe avec Dieu, en Dieu.

En nous appelant à la vie,
Dieu, d’emblée, nous a appelés au festin éternel,
à la fête qui se célèbrera non seulement avec Lui, mais en Lui,
car Dieu est Lui-même fête,
communion, échange continuel d’amour et de joie.

Souvenez-vous des paroles de Jésus lors de la Cène :
« Je ne boirai plus du fruit de la vigne – du vin –
jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous,
dans le Royaume de mon Père (Mt 26,29).
Avec vous…
Avec nous…

Nous participerons par pure grâce à la Vie éternelle de Jésus,
à la joie de Jésus,
à sa joie filiale,
celle qui jaillit en son humanité au jour de la Résurrection :
Père, Me voici, Je suis avec Toi.

*

Les premières paroles de Jésus
en entrant au Cénacle sont bouleversantes :
« J’ai tellement désiré manger cette Pâques avec vous
avant de souffrir » (Lc 22,15).
« Mon désir m’a jeté.. dit le Cantique…
Il m’a jeté en toi » (cf. Ct 6,12).
Il est immense le désir qu’a Jésus
de nous donner sa Vie,
de venir vivre en nous,
d’imprégner toutes les cellules de notre être
de sa Vie filiale, de sa Vie ressuscitante.
C’est ce que l’Évangile de ce jour
nous fait comprendre merveilleusement.
Jésus nous confie qu’« Il vit par le Père ».
C’est son expérience, c’est son être…
Et que désire-t-Il ?
Que de la même manière nous vivions par Lui.
Que dans ta vie, tu reçoives sa Vie
dans une union divinement profonde.

Jésus Se perçoit vis-à-vis de nous comme notre Pain.
Le pain, c’est ce qui fait vivre.
Il est notre Pain.
Si nous Le recevons, si nous L’assimilons,
alors Il demeure en nous
et nous demeurons en Lui.

*

Frères et sœurs, est-ce là une image, un symbole ?
C’est infiniment plus qu’une image ou un symbole,
parce que c’est là toute la réalité crue et cruelle de la croix.

« Ma vie, dit Jésus, nul ne la prend,
mais c’est Moi qui la donne » (Jn10, 17-18).
Jésus parcourt tout le chemin de Croix
pour devenir notre Pain.
Il se laisse broyer comme le grain,
Il se laisse au feu de sa Passion
pour que tu puisses te nourrir de Lui,
pour que Son sang devienne ta boisson.

Jésus le dit très explicitement :
« ma chair est vraie nourriture
et mon sang vraie boisson » (Jn 6,55).

*

Frères et sœurs, la petite hostie blanche
que le prêtre va déposer dans nos mains est infiniment plus
que le symbole d’un don très généreux :
c’est le corps du Christ,
et c’est à juste titre que tu diras « Amen ».
Amen : c’est sûr, c’est vrai…
Rien n’est plus sur et solide que cela !

Cette petite hostie blanche, c’est Jésus vivant
qui Te révèle son désir d’être ta nourriture.
Veux-tu Le laisser vivre et aimer en toi ?
Dans ce qui est lourd et chaotique dans ta vie,
comme dans ce qui est léger et joyeux,
est-ce que tu Le laisses entrer
pour qu’Il puisse te désinstaller autant que nécessaire
et te faire vivre du Royaume ?
« Oui » en langage liturgique se dit ici « Amen » !

*

Et cet Amen va plus loin encore :
« Celui qui mangera de ce pain
vivra pour l’éternité » (Jn 6,51)
nous dit aujourd’hui Jésus.
Et pour que ce soit bien clair, Jésus insiste :
« Celui qui mange ma chair et boit mon sang
a la Vie éternelle,
et Moi, Je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6,54).

Il n’y a pas de geste plus engageant sur cette terre
que celui de recevoir la Sainte Eucharistie.
Car c’est le Ciel que tu reçois,
et que tu acceptes de recevoir par pure grâce.
Le festin n’est pas ouvert par ton sacrifice,
mais par le sacrifice du Christ !
Aucun effort, aucune ascèse de ta part ne te vaudra le Ciel :
« Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’Homme
et si vous ne buvez pas son sang,
– même si vous avez fait
des milliers de sacrifices et de bonnes œuvres –
vous n’aurez pas la Vie en vous (Jn 6,53).
Croire cela c’est revêtir le vêtement de noces !

Oui, la petite hostie blanche, c’est le Ciel.
Si telle est ta foi, le Ciel est en toi.

Et avoir le Ciel en soi, ce n’est pas oublier la terre et ses tracas ;
c’est au contraire se livrer à l’Amour
dans un désintéressement qui rend l’amour très fécond.
Le Salut n’est plus mon problème
puisque le Ciel est déjà en moi.
Ce qui m’occupe, ce qui me préoccupe,
c’est que tous aient le Ciel en eux,
c’est que tous entendent l’invitation au festin,
c’est que tous y entrent revêtus du vêtement de noces.

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