FMJ MtlDÉDICACE DE LA BASILIQUE DU LATRAN – C
Frère Thomas
Éz 47, 1… 12 ; Ps 45 ; Jn 2, 13-22
9 novembre 2013
Sanctuaire du Saint-Sacrement, Montréal

Ma maison sera une maison de prière

« Ne faites pas de la maison de mon Père
une maison de trafic ». (Jn 2,16)

Et Saint Luc ajoute : « Il est écrit :
Ma maison sera une maison de prière.
Mais, vous, vous en avez fait
un repaire de brigands ! » (Lc 19,46)

Que représentent nos temples, nos églises pour nous ?
Sont-ils des lieux où nous traitons avec Dieu
comme avec un commerçant,
apportant des offrandes diverses
et attendant de Dieu des faveurs précises en retour ?

Ou alors sont-ils des lieux
où nous allons à la rencontre de Dieu,
comme un ami va visiter son ami,
et d’où l’eau vive jaillit pour assainir
toutes nos mers mortes ?

Dans le Temple de Jérusalem,
à l’époque de Jésus,
on venait offrir des sacrifices,
de petit, de gros bétail, ou de colombes,
suivant ce qui était prescrit par la loi de Moïse.

Pour cette raison, il y avait des marchands installés
pour vendre à tous ceux et celles
qui venaient au Temple de quoi offrir des sacrifices.

Manifestement, Jésus n’aime pas du tout cela.
Pour lui, le Temple du Seigneur est ainsi transformé
en « maison de trafic »,
voire en « repaire de brigands ».
Que perçoit Jésus dans cet étalage de marchandise
– certes placé dans le Temple –
mais destiné somme toute
à aider la foule des pèlerins de Jérusalem
à accomplir des rites centraux de la Torah ?

Jésus perçoit une déviation
de la relation des croyants à Dieu.
Les pèlerins ne viennent plus pour que
« Dieu soit attentif à leurs prières et leurs supplications »…
ainsi que le demandait le roi Salomon
après avoir fait construire le premier Temple de Jérusalem.
Les pèlerins viennent pour acheter des grâces de Dieu
comme on achèterait des biens de consommation.
Pour eux Dieu n’est plus ni leur Seigneur,
ni leur Père, ni leur ami.
Dieu devient pour eux un distributeur :
Il n’est plus une personne vivante pour eux.

Dans nos églises de nos jours,
il n’y a certes plus d’animaux en vente pour les sacrifices,
car le Christ par son unique sacrifice sur la croix
une fois pour toutes, les a abolis.
Mais nous pouvons parfois traiter encore avec Dieu
comme avec un distributeur.
Lorsque nous ne venons
que pour demander dans notre prière des grâces précises.
Ou encore lorsque nous ne recherchons dans notre prière
qu’un bien-être intérieur, des sensations,
des émotions ou une sécurité.

Nous, moines et moniales,
courons souvent le danger de cette dernière déviation.
C’est le danger de ramener Dieu à mes besoins.
Je ne considère pas tout ce qu’Il désire me donner,
car je ne Le vois pas comme une Personne.
Ma relation à Dieu est infantile.
Ce n’est pas là l’enfance spirituelle
qui elle est véritable relation.
Et je ne vois pas le fleuve d’eau vive
qui sort du Temple de Dieu.

Pourquoi Jésus chasse-t-il avec tant de véhémence
les marchands du Temple ?
Parce que Jésus a un ardent désir
d’instaurer avec nous une relation toute nouvelle.
Il ne veut pas être visité comme un distributeur.
Il veut que nous ayons avec Lui une relation de confiance :
comme un ami avec son ami,
comme un père aimant avec son fils.
Nous pouvons bien Lui demander des choses
– et par ailleurs Jésus insiste
pour que notre prière soit insistante.
Mais si Dieu ne nous donne pas comme nous l’imaginions,
notre relation à Lui n’en sera pas amoindrie.

Plus encore, notre relation à Dieu,
notre relation à Jésus,
ne se limitera pas au temps
que nous passerons dans son temple, dans son église.
Jésus sera notre ami à l’église, dans notre demeure,
dans notre travail, dans nos rencontres,
dans nos allées et venues.
Où que nous soyons, quoi que nous fassions,
nous pourrons « l’aviser et lui pourra nous aviser »
– selon la belle expression du Saint Curé d’Ars.

Pour nous qui venons
adorer le Saint Sacrement dans ce sanctuaire,
que nous puissions vivre ainsi
un véritable coeur à coeur avec Jésus.
Non seulement pour trouver consolation ou protection,
mais aussi pour écouter le Seigneur qui nous parle,
pour vivre une mission d’Église,
pour porter la ville, le monde dans notre prière,
pour offrir à la ville un espace d’intériorité
et de cœur à cœur avec le Seigneur.

Alors, véritablement, la prophétie d’Ézéchiel sur le Temple
pourra se réaliser.
Si le Temple est véritablement une maison de prière,
de coeur à coeur avec Jésus,
l’eau vive pourra en jaillir pour toute la ville,
grâce à nous qui viendrons y puiser ;
et tous ensembles nous formerons un seul Temple,
le Temple de l’Esprit,
le Corps du Christ,
l’Église du Seigneur.

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